La foudre est une décharge électrostatique atmosphérique causée par l’accumulation de charges électriques dans les nuages. Ces décharges se produisent quand la rupture diélectrique de l’air se produit lorsqu’une certaine valeur de champ électrique est dépassée. Il en résulte un canal ionisé à l’état de plasma qui facilite le transfert de charge entre deux points. La connaissance scientifique de la formation de la foudre doit être utilisée afin d’optimiser la protection contre la foudre.
L’étude de la foudre, et des phénomènes qui lui sont liés, fait appel à différentes branches de la physique, allant de la physique atmosphérique à la physique du plasma et à l’électrodynamique quantique. À ce jour, le mécanisme exact par lequel la foudre est générée dans les nuages n’est pas entièrement élucidé, pas plus que le mécanisme par lequel la foudre frappe un point donné. Cependant, malgré les difficultés rencontrées dans l’étude de ces décharges atmosphériques, les observations et les mesures permettent d’obtenir de plus en plus d’informations [1].
Ce qui suit est un bref résumé de ce que la science dit à propos de la formation de la foudre, en se concentrant en particulier sur la foudre nuage-sol en raison de son importance dans la protection face aux orages électriques.
Formation de la foudre dans les nuages orageux
Les nuages d’orage sont généralement de type cumulonimbus et se forment lorsque les conditions sont propices à la croissance verticale du nuage. Les cumulonimbus sont de gigantesques moteurs thermiques qui convertissent l’énergie solaire en énergie mécanique des courants d’air et en énergie électrique des coups de foudre [2], [3].
Lorsque des nuages d’orage se forment, l’équilibre des charges positives et négatives dans l’atmosphère est rompu, car il y a polarisation des charges électriques. Ainsi, la partie inférieure des nuages se charge négativement, induisant une charge positive au sol et les éléments situés à sa surface. Un champ électrique pouvant atteindre des dizaines de kilovolts est ainsi généré.
Le nuage acquiert une charge électrique par le biais de divers mécanismes d’électrification. On considère que le principal d’entre eux implique des collisions entre des particules de taille millimétrique de grêle molle ou graupel et de petits cristaux de glace en présence de gouttelettes d’eau surrefroidies. L’eau surrefroidie se caractérise par le fait qu’elle n’est pas gelée malgré une température inférieure à 0 °C [1]-[4].
Cependant, on ne connaît pas encore tous les détails des processus microphysiques de décharge qui génèrent les traceurs et les processus qui produisent les champs électriques nécessaires à la formation des coups de foudre. Ainsi, le (ou les) mécanisme(s) physique(s) par lequel les décharges atmosphériques se produisent dans les nuages d’orage n’a pas encore été résolu. Ceci est dû au fait que, après des décennies de mesure du champ électrique à l’intérieur des nuages, aucun champ électrique suffisant pour provoquer des décharges n’a été détecté, du moins selon le consensus scientifique actuel [1].
Connexion des traceurs descendants et ascendants formant le coup de foudre, ou éclair, nuage-sol.
Lorsque le champ électrique d’ionisation de l’air est dépassé, celui-ci peut passer d’un isolant presque parfait à un milieu conducteur à travers lequel la charge du nuage cherche le chemin le plus direct vers le sol. Un traceur ou leader descendant est alors généré et sort du nuage en emportant une partie de sa charge. Il est également connu sous le nom de « stepped leader », car il progresse par bonds discrets ou sauts (steps). Sur le trajet du coup de foudre ou éclair nuage-sol, le traceur descendant peut se diviser en plusieurs branches [2] et se propager dans n’importe quelle direction, mais toujours en effectuant des bonds qui dépendent de l’intensité du courant associé à cette décharge.
Lorsque le coup de foudre est suffisamment proche du sol, le champ électrique s’élève au niveau de la terre et un ou plusieurs points d’éléments mis à la terre commencent à produire des décharges de type couronne[2]. Il s’agit de décharges électriques produites par l’ionisation du gaz entourant un conducteur chargé. Elles sont à l’origine de courants ascendants ou de traceurs. Le premier traceur ascendant qui atteint le traceur descendant crée un chemin de décharge nuage-sol. Lors du dernier bond du traceur descendant, la direction n’est plus aléatoire mais déterminée par le traceur ascendant à sa portée.
Lorsqu’il est intercepté par un objet, le courant cherche le chemin le plus rapide vers la terre en générant une impulsion de courant à très haute énergie d’une amplitude de dizaines ou de centaines de milliers d’ampères (arc en retour ou return stroke) [2]. Si le nuage reçoit davantage de charges après la décharge de retour, de nouveaux arcs, connus sous le nom de coups subséquents, peuvent apparaître.
La récente étude observationnelle de Saba et al [5] a utilisé une caméra vidéo à grande vitesse pour analyser la dynamique des leaders dans un coup de foudre nuage-sol [6]. La vidéo de cette publication en libre accès est disponible sur Internet.
L’impact évalué a été enregistré le 30 mars 2021 et, d’après les images vidéo obtenues, on a trouvé 31 leaders ascendants provenant des bâtiments environnants dans la direction des leaders descendants. Les lignes ascendantes étaient caractérisées par une propagation droite et non ramifiée, tandis que les lignes descendantes présentaient des ramifications. Le leader ascendant qui s’est connecté au leader descendant était trois fois plus rapide que le reste des 31 leaders détectés.
Dans une publication ultérieure, également observationnelle, Saba et al [6] ont analysé un impact précédant (du 1er février 2017), intercepté par un paratonnerre d’un bâtiment résidentiel. Dans cette étude, des mesures du champ électrique, du courant et de la vitesse des leaders ascendants ont été réalisées à l’aide de caméras vidéo à grande vitesse, d’un capteur de champ électrique et de capteurs de courant installés sur les paratonnerres.
Les auteurs ont observé que les leaders ou traceurs ascendants répondaient aux différentes ramifications du leader ou traceur descendant, en alternant leur propagation et leur intensité. Ce schéma intermittent s’est arrêté juste avant la connexion des leaders, lorsque tous les traceurs descendants se sont intensifiés et, par conséquent, les leaders ascendants sont devenus synchronisés dans leurs impulsions de courant [6].
De plus, les leaders ascendants induits par les traceurs descendants se sont propagés plus ou moins à une vitesse constante. Le leader ascendant connecté au leader descendant était le plus rapide de tous ceux générés, suivi par le leader ascendant le plus proche du dernier bond ou final jump. D’autre part, le courant ascendant connecté au courant descendant a connu une augmentation de vitesse juste avant le dernier bond, estimée à au moins 45 fois la vitesse moyenne du leader ascendant. Par ailleurs, le courant continu le plus élevé a été mesuré sur le traceur ascendant connecté au traceur descendant [6].
Protection intelligente contre la foudre basée sur la science
La connaissance scientifique du phénomène de la foudre est essentielle pour optimiser les systèmes de protection contre la foudre. Ainsi, les paratonnerres à dispositif d’amorçage (PDA) consistent à émettre le traceur ascendant en continu, avant tout autre objet situé dans son rayon de protection. Au lieu d’être un processus aléatoire comme dans le cas de la protection conventionnelle, les PDA se caractérisent par le contrôle de l’émission du traceur en l’ajustant au bon moment, permettant ainsi une plus grande zone de couverture.
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Références
[1] J. R. Dwyer and M. A. Uman, ‘The physics of lightning’, Phys. Rep., vol. 534, no. 4, pp. 147–241, 2014.
[2] V. Cooray, An Introduction to Lightning. Springer Netherlands, 2015.
[3] C. Gomes, Ed., Lightning, vol. 780. Springer Singapore, 2021.
[4] M. A. Cooper and R. L. Holle, Reducing Lightning Injuries Worldwide. 2019.
[5] M. M. F. Saba, D. R. R. da Silva, J. G. Pantuso, and C. L. da Silva, ‘Close view of the lightning attachment process unveils the streamer zone fine structure’, Geophys. Res. Lett., vol. 49, no. 24, Dec. 2022.
[6] M. M. F. Saba, P. B. Lauria, C. Schumann, J. C. de O. Silva, and F. de L. Mantovani, ‘Upward leaders initiated from instrumented lightning rods during the approach of a downward leader in a cloud‐to‐ground flash’, J. Geophys. Res., vol. 128, no. 8, Apr. 2023.